Pour cet Entre Les Lignes du mois d’avril, nous sommes allés à la rencontre de Walid Mesloub. Entre famille et football, entre Algérie et France, il nous emmène au-delà de la Méditerranée et dans son quartier de Trappes où il a grandi. Récit…
C’est le 4 septembre 1985 à Trappes qu’est né Walid Mesloub, petit dernier d’une famille franco-algérienne. Alors que son père travaillait à l’usine Renault dans les Yvelines, sa mère s’occupait des enfants. Benjamin d’une famille de cinq, il est le seul à avoir quitté sa ville natale. Ses sœurs, responsable dans un magasin de prêt-à-porter, employée chez Bouygues Immobilier et secrétaire administrative chez Hachette, et son frère, qui enchaîne les boulots, sont tous restés dans la région parisienne. Malgré la distance, ils sont constamment en contact : « La famille, c’est important chez nous ! On s’est toujours très bien entendus. Il y a toujours eu du respect entre nous, du plus jeune au plus âgé. » Hormis les petites chamailleries d’enfants, Walid était loin d’être un enfant à problèmes.
D’une famille oranaise, il a bénéficié d’une double culture, française et algérienne. « Mes 2 grandes sœurs et mon grand frère sont nés en Algérie. Ils y ont fait leur scolarité avant d’arriver en France vers leurs 15-16 ans. Ma dernière sœur et moi, nous sommes nés en France. » Ses parents les emmenaient souvent en Algérie. « Bientôt, ce sera mon tour de faire découvrir à ma femme et mes deux garçons la terre de leurs grands-parents. ».
Entre une éducation algérienne et une scolarité française, Walid se sent chanceux : « C’est très enrichissant de grandir avec une double culture. C’est important de savoir d’où l’on vient même si c’est différent d’où l’on est. J’ai appris plein de choses dès mon plus jeune âge et ça me tient à cœur aujourd’hui. Je l’ai très bien vécu et ça m’a permis d’avancer ! »
Walid a passé toute son enfance à Trappes, souvent considéré comme un quartier chaud. « C’est un peu stigmatisé mais ce n’est pas non plus un quartier tranquille. J’ai fait toutes mes classes là-bas. Je retiens du bon et du moins bon forcément. » Il jouait dehors sans problème, sans que ses parents soient inquiétés. C’est surtout une question de médiatisation selon lui. « Quand il y a des bagarres ou des faits divers qui surviennent à Trappes, on en parle beaucoup plus que si ça se passait dans d’autres quartiers réputés plus calmes. » Il parvient tout de même à relativiser et à retenir le positif. « Pour ceux qui y ont vécu, je pense que l’on est tous unanime pour dire que l’on a eu une belle enfance. » Il est toujours en contact avec ses voisins de l’époque, qui sont devenus ses amis, et avec lesquels il a créé des liens très forts. « Au quartier, on peut rentrer chez nos voisins naturellement, tout le monde est très accueillant. On savait qu’on était toujours les bienvenus car on faisait partie d’une même famille. » Il y retourne encore régulièrement pour revoir ses parents, sa famille, ses amis…
Photo du haut : Walid avec son neveu et son père
Plutôt bon élève, Walid n’a pourtant jamais été fan de l’école. C’est le football qui l’intéressait ! « J’ai commencé à l’âge de 5-6 ans avec mon grand frère et mon père. Au quartier, le foot, c’est le sport national ! Un ballon peut réunir énormément de personnes. Tout le monde participait aux matchs, même ceux qui ne savaient pas jouer, même les filles… » s’amuse-t-il à préciser. « C’est là qu’est née ma passion. Je suis devenu vraiment accro ! » Assidu dès son plus jeune âge, il a commencé à vraiment se projeter à l’adolescence. « Vers 15-16 ans, ça a commencé à devenir plus sérieux pour moi. J’évoluais au club de Versailles et je pensais de plus en plus au haut niveau. Au quartier, tout le monde rêve d’être footballeur mais peu de personnes y arrivent. C’est un chemin parsemé d’embuches. Il faut être fort mentalement, ne rien lâcher et avoir un brin de chance en plus. »
C’est en 2005 que les choses sérieuses ont commencé. Walid a tenté sa chance lors d’une journée portes-ouvertes au Levallois-Perret SC. « Sur les conseils d’un ami, je m’y suis présenté, sans grande conviction. » Il avait le sentiment que ceux qui connaissaient untel ou qui avaient des parents influents étaient avantagés. « C’était peut-être une excuse que je me donnais. J’ai eu un entretien avec Pierre Mbappé, entraîneur de l’époque et oncle de Kylian. C’était l’occasion de lui demander : « Est-ce que ce sont les meilleurs qui jouent ? ». On en rigole encore ! ». Finalement, Walid a disputé 34 matchs lors de sa première saison !
Malgré sa passion pour le football, Walid n’a pas pu s’y consacrer pleinement. Ses parents n’avaient pas les moyens de subvenir à tous les besoins de leurs cinq enfants. Même si Walid avoue ne pas avoir vécu dans la misère. « J’ai voulu travailler très jeune pour gagner de l’argent et aider mes parents. Je n’ai pas délaissé le foot car j’ai toujours eu cette envie de jouer dans un grand club et de signer professionnel mais il fallait faire face à la réalité. » Le jeune footballeur découvrait la vie active en enchaînant des petits boulots. Il a tout d’abord connu la restauration rapide avant d’être facteur. « Je faisais mes tournées et j’allais m’entraîner le soir. » Puis lorsqu’il ne chaussait pas les crampons, il portait la casquette de chauffeur-livreur ou travaillait dans une maison de retraite. « Ça me permettait d’arrondir mes fins de mois et d’assurer mes dépenses quotidiennes seul, sans l’aide de mes parents. » Cette expérience lui a permis de se forger un caractère et de garder, tout au long de sa carrière, les pieds sur terre. « On sait que le foot est médiatisé et qu’il y a beaucoup d’argent en jeu. Si tu n’es pas bien entouré et pas bien dans ta tête, tu peux vite péter les plombs. Le fait d’avoir bossé et connu la « vraie vie », d’avoir une famille qui travaille tous les jours comme tous les Français, m’a permis d’être un peu plus mature et un peu plus posé... »
L’homme qu’il est aujourd’hui doit beaucoup à ses parents qui lui ont inculqué des valeurs fortes telles que le respect, le travail, le courage... Il aime à se dire : « La vie est courte et il faut en profiter autant que possible. » Une devise qui a pris tout son sens à la suite du drame qui a frappé sa famille alors qu’il avait 25 ans. « J’ai perdu ma mère en août 2010. Elle était souffrante. Mon père n’a pas supporté et est tombé malade à son tour. Deux mois plus tard, il nous quittait lui aussi. » Très affecté, Walid a pu compter sur le soutien de sa femme Coralia et de ses deux garçons Mezian et Elias âgés de 8 et 4 ans. Mais trois mois plus tard, il y a eu le contre-coup. « C’est là que j’ai réalisé que tout était fini. C’était une épreuve difficile mais quand ça arrive, il faut seulement garder les bons moments passés ensemble. » Croyant et pratiquant,Walid s’est aussi réfugié dans la religion « Elle m’a permis de tenir le coup quand mes parents sont partis et de toujours positiver en cas de coups durs. Grâce à elle, je suis, je l’espère, quelqu’un de bien. J’ai toujours cette petite voix qui m’aide à ne pas m’égarer et à rester sur le droit chemin, même si je ne suis pas parfait. »
Fier de sa petite famille, Walid partage sa vie avec sa femme Coralia qu’il a rencontré à l’école alors qu’il avait à peine 16 ans. Une idylle qui dure, renforcée par leurs deux bambins, prunelle de leurs yeux. « Je suis issu d’une famille nombreuse. Pour l’instant, deux petits gars, c’est très bien. On verra par la suite si on a envie d’enchaîner. » sourit-il. Pour le moment, ce qu’il souhaite par-dessus tout, c’est passer le plus de temps possible avec ses enfants et leur apprendre les bonnes choses. « Comme père, je suis un peu un gamin. J’aime bien jouer avec eux. J’aimerais bien qu’ils me disent tout. On passe beaucoup de temps ensemble pour vraiment créer des liens forts ! »
Outre passer du temps avec sa famille, Walid concède être très casanier et pas du tout fêtard. « Je regarde souvent des films et des séries. J’aime bien tous les sports, aussi bien à regarder qu’à pratiquer. Si on me propose d’aller faire un tennis demain et que je n’ai rien à faire, j’irai avec
plaisir ! »
A 32 ans, Walid sait qu’il sera bientôt temps de se poser la question de son après-carrière. « J’espère jouer le plus longtemps possible. Je pense en être capable car j’ai plutôt une bonne hygiène de vie et je me sens bien physiquement. » En se projetant plus loin, il aimerait partager avec les plus jeunes son vécu. « La seule certitude, c’est que je ne serai pas entraîneur. Je n’aime pas être sur le devant de la scène. Mais pourquoi pas intégrer un staff et apporter mon expérience sur plusieurs points. »
Photo du haut : Walid avec sa maman et ses neveux
Photo du bas : Walid et ses deux garçons